Testament d'Esprit Calvet

Dernier testament olographe d'Esprit-Claude-François CALVET du 10 janvier 1810

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Des considérations décisives, au nombre desquelles je mets, en première ligne, les obligations que m'imposent les nouvelles lois et un ferme désir de me rendre encore plus utile à ma patrie, m'engagent et m'autorisent à faire quelques additions et réformes aux dispositions précédentes de mes biens.

À cet effet, par ce dernier testament écrit de ma main, après avoir recommandé mon âme à son Créateur et renouvelé ma soumission aux dogmes de la foi catholique, je casse, révoque et annule tous mes testaments précédents, quelle qu'en soit la date et à quelque notaire ou livre où ils se trouvent, et je dispose comme ci-après en dernière analyse de mes biens et de leurs revenus.
[...]

Legs de sa bibliothèque à la ville d'Avignon ; composition d'un conseil de huit pour l'organisation de la bibliothèque

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Appelé par goût à l'étude et au célibat, je m'étais proposé, dès l'âge de quinze ans, d'établir à perpétuité une bibliothèque publique dans ma patrie, qui en manquait ; je le fis même lorsque mon âge m'eut permis de tester. Le Gouvernement ami des lettres sentait depuis longtemps l'utilité de cette institution ; aussi, sans se douter de mon idée, il s'en est enfin occupé pour les principales villes de l'État.
Celle d'Avignon était une des mieux pourvues de livres, à cause des nombreuses bibliothèques de Religieux et de Séminaires supprimés ; on en a formé une immense et monstrueuse collection. Mais cette bibliothèque, ne pouvant être de longtemps en exercice par divers obstacles, je lègue, laisse et donne à cette dite ville d'Avignon ma bibliothèque pour la rendre publique avec ses manuscrits, auxquels j'ose associer mes propres manuscrits autographes en six volumes in-folio, à demi reliés, et j'y joins tous les manuscrits in-4° et in-8° brochés ou prêts à l'être, au nombre d'une trentaine de volumes de lettres que j'ai conservées, de savants et de personnages considérables, défendant néanmoins que les lectures nuisent aux études et travaux militaires, sous la condition expresse que les livres et manuscrits de ma collection ne seront que pour ma bibliothèque et jamais confondus et mêlés avec ceux de la bibliothèque établie par le Gouvernement, de laquelle il serait bon de retrancher une grande partie de livres. Ma bibliothèque sera organisée en détail par huit citoyens gens de lettres, parmi lesquels seront constamment admis mes trois exécuteurs testamentaires et leurs successeurs, tandis que le conseil de ville désignera les cinq autres.
De bons règlements assurent pour l'ordinaire le succès d'une bibliothèque publique ; les lettres-patentes pour celle de Grenoble, données en novembre 1780, et d'autres du mois de mai 1789 fournissent les meilleurs règlements connus : ils pourront servir de modèles pour la mienne, quoique naissante : on trouvera ces imprimés par mes livres de mélanges.

Réunion à faire à la bibliothèque de ses cabinets à médailles

Mes cabinets de médailles en or, en argent et en bronze, soit antiques, soit modernes, aujourd'hui rangées dans les deux armoires de ma chambre d'hiver, appartiendront à ma bibliothèque ; celles-ci ne seront jamais données, vendues, ni échangées en gros ni détail ; mais d'autres médailles en assez bon nombre, d'un cabinet donnant sur la rue, pourront en être tirées et vendues pour la bibliothèque. Les premières sont d'un prix très considérable ; quelque propos que j'aie pu tenir ci-devant sur cet objet, ce serait une sorte de délit de priver ma patrie de sa jouissance, puisque ce trésor est le premier de ce genre qu'on y ait encore vu dans son enceinte.

Les monuments antiques et modernes, de différentes matières, formes et grandeurs, qui sont dans mes cabinets, au nombre, à ce que je crois, d'environ quatre mille (les médailles non comprises, de douze mille à peu près), et en général tous les morceaux antiques dont le catalogue est fait, à peu d'omissions près, je me plais à les loger dans ma bibliothèque ; même les deux grandes statues de marbre qu'il faut réparer, faisant autrefois partie du tombeau d'Adrien à Rome ; les pierres et marbres portant des inscriptions seront de ce nombre. Ces monuments n'entreront jamais, non plus que les corps marins et les fossiles, ni dans l'ancienne bibliothèque, ni dans le cabinet d'ornithologie qui se forme actuellement.

Réunion à la bibliothèque de sa collection d'histoire naturelle

Ma nombreuse collection d'histoire naturelle appartiendra aussi à ma bibliothèque, et y sera logée. Il sera indispensable d'en faire un catalogue détaillé, ainsi que des coquilles : mes livres, mes manuscrits et d'autres notes ad hoc fourniront assez de secours pour cet ouvrage, dont mon âge ne me permets plus de m'occuper.

Legs à la bibliothèque de son buste

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Je lègue de même et laisse à ma bibliothèque : 1° mon buste de marbre, comme monument de l'art, et le carré de bronze qui en fait partie. Les lettres initiales H. B. F. D. Q. se remplissent par Hanc bibliothecam fundavit dotavitque. 2° Un portrait en petit sur toile dans le costume actuel. 3° Quelques tableaux originaux au choix de monsieur Dalbouin de Villeneuve. 4° Une bonne copie d'une peinture trouvée au siècle dernier dans les bains de Tite, dont l'original est perdu, représentant les tombeaux de tous les États, notamment celui, selon moi, que les anciens, surtout de nos contrées, dédiaient sub abscia, qui ne paraît pas avoir jamais été dessiné sur l'antique ; on y joindra aussi un tableau peint de ma main d'après Manglart, d'une marine avec un arc de triomphe.

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